Interrogatoires et disparitions
rideau
guerre algerie

Cet ancien résistant déporté à Mauthausen, a dit à ses officiers Soyez durs. Et lorsque l'un de ses compagnons de déportation vient lui reprocher d'agir comme les Allemands, Jeanpierre objecte: Nous, résistants, n'avons jamais jeté de bombes pour tuer n'importe qui, femmes, enfants...
Mais le durcissement, c'est la torture après les menaces verbales: les gifles, l'électricité (la  gégène, c'est-à-dire l'application à différentes parties du corps d'électrodes reliées à une génératrice), l'eau (la tête plongée dans la baignoire, ou l'eau versée par entonnoir jusqu'à suffocation), les coups multiples, voire le penthotal, tout pour tenter d'avoir raison des plus résistants et parfois d'innocents qui ne peuvent rien dire parce qu'ils n'ont rien à dire.
Les paras voulaient aller vite. Ils font vite. A la fin février, le bilan est notable: dans le Grand Alger 488 tueurs, chefs de cellule, collecteurs de fonds ont été arrêtés, 407 armes et 88 bombes récupérées. Ajoutons l'arrestation d'un des cinq membres du CCE, Larbi Ben M'hidi, le chef de la zone autonome d'Alger. Plus heureux que lui, ses quatre compères ont réussi à s'échapper d'Alger afin de rejoindre Le Caire et Tunis, tandis que de nombreux militants FLN gagnent les maquis plus sûrs en Kabylie ou dans l'Ouarsenis.

bataille d'alger

Quand la presse algéroise fait paraître le 2 mars la photo de Ben M'hidi, menotté, le chef FLN arbore un sourire ironique et n'apparaît nullement marqué par des sévices. Or il a été arrêté dès le 25 février par le 3e RPC et présenté aussitôt à Bigeard. Il faut lire les souvenirs de ce dernier pour comprendre la nature des échanges entre les deux hommes: « D'emblée, le courant est passé entre nous. [...] Hélas, on me l'enlève et j'apprendrai son "suicide". » En effet, le 6 mars les journaux annoncent que Ben M'hidi s'est suicidé dans les locaux de la DST. Comme Bigeard, beaucoup doutent de cette affirmation et la DST n'y est pour rien. Il faudra attendre 2001 pour que soit confirmé le destin de Ben M'hidi, par les déclarations du général Aussaresses : le chef FLN a été pendu par l'équipe qu'il dirigeait, sinon par lui, dans une ferme de la Mitidja. De sa propre initiative ou sur ordre verbal, mais de qui ?
Dans son livre Pour la France, Aussaresses déclare qu'un juge délégué par Robert Lacoste auprès de Massu lui transmit l'ordre d'exécuter Larbi Ben M'hidi pour éviter un procès. Je devais empoisonner Ben M'hidi au cyanure et faire passer cette exécution pour un suicide. Ainsi, disparaît Ben M'hidi, comme disparaîtra Maurice Audin, assistant à la faculté des sciences d'Alger, membre du Parti communiste algérien (PCA), arrêté le 11 juin 1957 par des officiers du ter REP et qui se serait évadé au cours d'un transfert; il y a bien un transfert au cours ou au bout duquel le jeune universitaire a été éliminé.
Ces disparitions  marquent le plus souvent l'étape ultime de tortures afin que la victime ne puisse témoigner de ce qu'elle a subi ou parce qu'elle a été trop abîmée pour être transférée dans un centre d'assignés à résidence ou présentée au parquet, ou encore parce qu'elle est morte. Les corps disparaissent alors soit dans une fosse à la campagne, soit dans le béton des fondations d'un immeuble en construction, soit en mer où ils sont jetés, lestés, depuis un hélicoptère.

anecdote
accueil
Accueil
Tortures et bavures